jeudi 13 décembre 2007

Le tatouage aux Marquises d’hier à aujourd’hui

Photo 1: la noix de bancoul utilisée d'abord comme bougie. Les Marquisiens enfilaient plusieurs noix qui brûlaient progressivement. La suie récupérée dans une noix de coco était ensuite mélangée à de l'eau. Le liquide noir obtenu servait lors des tatouages.
Photo 2: des bambous contemporains mais reproduisant des modèles anciens montrent les motifs de tatouage ancien chez les Marquisiens.

Le bambou représente un long travail de patience (plus de 70 h) et c'est une technique de pyrogravure point par point. Une jeune femme sur l'île d'Ua Pou fait ce travail méticuleux et admirable de "fourmi."

Photo 3 : au bord du tohua (place publique) on peut voir de nombreuses pierres creusées. Ce sont des cupules qui, entre autres, pouvaient servir de récipient pour le liquide fait de noix de bancoul et d'eau utilisé pour le tatouage. On parle bien sûr des méthodes anciennes de tatouage chez les Marquisiens.



















Photo 4: dans un petit musée de l'île d'Ua Huka, il est possible d'admirer de remarquables modèles anciens de maîtres-tatoueurs. Chaque famille possédait ainsi sa "carte d'indentité". Les motifs étaient toujours chargés de symboles : voir sur le bras, une sorte de "matrice", utérus constitué de plusieurs enveloppes en demi-ronds.

Photo 5: le tatouage moderne (ici sur une femme) traduit souvent le lien passionnel, pour ne pas dire charnel que les Polynésiens entretiennent avec la mer. Il peut aussi traduire une personnalité: un passionné de chasse représente par exemple les dents d'un cochon sauvage tué ainsi que celles de ses chiens qui avaient perdu la vie lors de cette battue.

Photo 6: ici un tatouage moderne mais qui vaut à son propriétaire unce certaine remarquabilité, même en Polynésie. Peut-être encombrant sous d'autres cieux!

Avec le renouveau de la culture marquisienne, marqué par le festival des Marquises, la pratique du tatouage aux motifs traditionnels tend à revenir en force, se libérant dans une certaine mesure de la stylisation par trop abusive qui la cantonnait dans le marché pour touristes en mal de mana polynésien.
La langue marquisienne n’ayant pas d’alphabet, le tatouage a été un moyen de communication à base de motifs pour certains univoques. Perte de sens, disparition, affaiblissement des dessins entre autres dus à la déculturation générée par la colonisation ont affecté la pratique de l’inscription épidermique de son histoire personnelle. Car il faut considérer le tatouage comme une véritable carte d’identité que l’homme portera sur lui à vie, cette notion est aussi valable pour l’ensemble du triangle polynésien, des Iles Hawaï à la Nouvelle-Zélande en passant par l’Ile de Pâques.
Il faudra attendre le 20è siècle pour que les archéologues se penchent sur la « douloureuse » question du tatouage. Douloureuse car pendant des années l’église catholique a interdit cet art perçu par les dignitaires comme une pratique sinon diabolique du moins païenne parce que charnelle. Outre le relevé de son ascendance, le tatouage traduisait la fonction sociale et le rang, était aussi arme de séduction, quand il ne permettait pas d’afficher toute la hargne dont on était capable dans ses intentions guerrières à l’endroit de l’agresseur. Un homme très tatoué prouve sa richesse car il lui faut dédommager en nature maître-tatoueur et assistants qui le plaquent au sol! Autre exemple: une princesse était repérable au fait qu'elle n'était tatouée qu'aux jambes. Le tatouage est aussi l’indice visible des croyances intimes : le requin tatoué au-delà de sa valeur de représentation esthétique incarne la dangerosité de l’espèce et a permis un transfert de son « mana », l’énergie essentielle et tutélaire, de l’animal à l’homme. Le tatouage protège ! De même le tatoueur occupe une place à part, il est le medium qui est en phase avec l’esprit des ancêtres. Un passeur d’esprit en somme, un sage.
A l’origine, c’est avec un peigne (le plus souvent en os ou en dent acérée) dit de tatoueur que la peau reçoit son inscription. Le pigment provenait de la suie de noix de bancoul diluée dans un peu d’eau à une époque où cette noix était utilisée en lieu et place de la bougie. L’herminette était aussi utilisée accessoirement pour des zones de remplissage.
De nos jours, un petit appareil électrique doté d’une pointe assez douce a remplacé ces instruments de torture volontaire. Plus de petits coups de maillet sur la rostre en pointe pour assurer la diffusion et la pénétration du pigment, plus de fabrication artisanale de suie…L’encre de Chine est venue à la rescousse. Le dessin a certainement gagné en précision et en netteté, le tatoueur en rapidité d’exécution. Les normes drastiques d’hygiène quand elles sont bien appliquées évitent bien des déboires comme il y en a eu par le passé : plaies, mauvaises cicatrisations, gangrènes… Mais gare à la folklorisation, ou au charlatanisme! L’encre de Chine frelatée existe aussi.
Quand naguère le tatouage permettait de vérifier les capacités stoïques de l’individu devant la douleur, il peut parfois aujourd’hui ne tester qu’un autre type de résistance: celle de la carte bleue.

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